Ombres du passé

On dit que le passé de chaque personne fait ce qu’elle est devenue maintenant. C’est sûrement vrai.

Depuis quelques temps je songeais beaucoup à mon passé, ce qui m’avait poussé à être tel que je suis désormais, cette personne constamment triste, partagée par ses sentiments. Comment ai-je fait pour devenir cette personne que je méprise moi-même ? J’ai beau me dire que j’étais pire que cela avant mon arrivée sur Alidhan – haineuse et assoiffée de vengeance – je ne pouvais que regretter la période de ma vie ou j’étais heureuse et ignorante.

Je ne pourrais jamais oublier ce jour où tout a changé …

Ma dernière après midi en compagnie de ma sœur – suis-je victime d’une de ces nombreuses tragédies ? -, cette si belle après midi gâché par un secret censé nous protéger. A l’époque je n’avais encore jamais franchi les limites de notre forêt, je pensais que seule notre race existait, que la paix régnait, je m’étais trompée.

Si j’avais dû me décrire, j’aurais dit que j’étais une vrai tête brûlée, seule guerrière de mon village, j’étais l’une des rares combattantes et ne faisais pas partie de toutes ces filles coquettes ne rêvant que d’amour et de princes charmant sortis de livres plus romantiques les uns que les autres. Il fallait dire qu’à ce moment je ne savais pas ce qu’était l’amour …
Je ne ratais jamais une occasion de me battre et j’avais prouvé de nombreuses fois ma force et ma loyauté pour imposer le respect auprès des gens de mon age. Amie de plus de garçons que de filles c’est lors d’un combat que j’ai connu et commencé à aimer la personne qui m’a faite souffrir.

Si je ne suis pas morte cet après midi c’est grâce à cette chasse que je m’étais proposé de faire avec ma petite sœur, excellente rôdeuse pour son age. Nous avions été retardée par la découverte du cadavre d’un chevalier mort. Ce jour là il m’avait paru étrange comme s’il n’était pas comme nous, c’est des mois plus tard que j’ai eu ma réponse, c’était un humain, rien qu’un humain comme bien d’autres.

Je me rappelle de tout, et c’est le plus horrible je crois, combien de fois aurais-je voulu tout oublier ? La mort de ma sœur sous mes yeux, la forêt qui brûle …
Mais pire que tout encore, c’est le fait de me rendre compte que j’ai reproduis moi même toutes ces erreurs, en faisant souffrir à mon tour d’autres personnes encore …

Après l’avoir examiné, nous avions décidé de nous rendre au village pour en apprendre un peu plus sur cette étrange personne. Lorsque nous étions arrivées, une vision d’horreur s’était imposée à nous, notre village avait été pillé et détruit, partout des cadavres de personnes que je connaissais jonchaient le sol. Ma sœur avait hurlé, s’était mise à courir en criant le nom de nos parents … je n’ai pas eu le temps de la retenir, le danger était toujours présent, des soldats étaient sortis de leur cachette, quelques buissons – ils devaient sûrement s’attendre à ce que plusieurs personnes viennent – ils l’avaient attrapée et tuée de sang froid sous mes yeux … Je n’ai pu m’empêcher de pousser un cri d’horreur à cet instant. Ils m’avaient repérée, j’avais du m’enfuir, la forêt s’enflammant derrière moi, laissant là bas ma vie calme et joyeuse pour ne laisser place qu’au doute et à la peur J’ignore encore comment j’ai pu leur échapper, peut être était-ce l’énergie du désespoir. Pour moi, j’étais la seule survivante …

J’avais couru encore et encore, jusqu’à m’écrouler de fatigue mais j’étais saine et sauve, dans un monde que je ne connaissais pas. A partir de ce jour, je refoulai tout ce qui s’était passé tentant d’oublier.

Il me semble avoir longtemps erré, parcourant maintes et maintes terres, royaumes, empires … apprenant de nouvelles choses chaque jour, perfectionnant mes attaques du mieux que je pouvais.

Mais très vite je me suis rendue compte que je ne pourrai plus être heureuse. Je me suis alors enfermée dans une coquille d’indifférence, ne laissant aucunes chances aux personne qui avaient voulu me connaître, m’aimer peut être … Lorsque je me regardais, je paraissais si sûre de moi, bien plus terrifiante que je n’aurai voulu le montrer et surtout tellement différente. Il était rare que je croise d’autres elfes, ils étaient traqués et massacrés, mais j’affichais fièrement ma race, bien que cela me valut beaucoup de problème pour m’intégrer à cette société qui ressemblait si peu à la mienne. Je n’avais pas la même façon de penser, pas la même loyauté, pas les coutumes. Les années me paraissaient très courtes, et je me demande encore si le temps, les lunes que les humains comptent ne sont pas plus courtes que les miennes.
Plus le temps passait, plus je m’enfermais sur moi-même, finalement j’ai presque arrêté de parler à cet période de ma vie, seule la solitude me tenait compagnie.